ANASTASIA & SAGE

❝ castle of glass ❞

Le regard posé sur les chiffres couleur ocre du cadran de son réveil, elle regardait les minutes défiler avec une lenteur extrême dans l’attente que son alarme se déclenche. Elle aurait pu se lever, mais elle se sentait bien mieux au chaud sous sa couette et surtout la demoiselle n’avait pas la moindre envie d’affronter sa mère de bon matin. Moins elle passait de temps auprès de cette femme et mieux elle se sentait aussi triste que ce soit à dire. En réalité, Sage ne lui avait jamais pardonné le peu d’amour qu’elle avait pu éprouver pour son père alors que cet homme était de loin le plus parfait aux yeux de la jeune femme. Quelque part, elle avait rejeté la mort de son père sur le dos de sa mère uniquement parce que pour elle un coupable devait être trouvé et qu’il n’y avait que sa pauvre mère qui entrait dans les critères qu’elle s’était fait. Au cours de toutes les années qui s’étaient écoulées suite à l’accident qui avait causé la mort de son père, Sage avait trouvé toutes les excuses du monde pour la rendre coupable et petit à petit elle s’était éloignée de cette femme à qui elle devait en partie sa vie et elle avait appris à la détester de jour en jour. Pourtant, en elle existait toujours une part d’amour mais elle était si profondément enfouie dans son être qu’elle était bien incapable de la faire ressortir et s’évertuait donc à éviter cette femme le plus possible.

Lorsque enfin l’alarme de son réveil se déclencha, la jeune femme laissa une main sortir de sous sa couverture et qui alla s’abattre sur le bouton qui désactiva le bruit désagréable mais efficace du réveil. Néanmoins, Sage ne quitta pas aussitôt son lit. Elle attendit sagement et silencieusement que sa mère ait quitté la demeure et une fois les bruits de moteur de la voiture éloignés, elle repoussa sa couverture et balança simultanément ses jambes hors du lit pour rejoindre la cuisine. Lorsqu’elle avait cours, c’était un rituel habituel. Jamais elle ne quittait sa chambre tant qu’elle savait que sa mère était toujours dans les parages n’ayant que très peu envie d’affronter cette dragonne dès le matin et risquer d’être de mauvaise humeur pour le restant de la journée. À vingt-deux ans elle avait déjà pensé à l’idée de prendre son propre appartement, malheureusement pour ça elle savait qu’elle devait emprunter de l’argent à sa mère et Sage s’y refusait. Bien que l’option de la colocation était toujours valable, elle avait préféré ôter cette idée de son esprit pour se concentrer sur ses études, son travail et les problèmes qu’elle se créait naturellement. Une fois son petit-déjeuner pris et une fois douchée, ce fut dans sa chambre qu’elle retourna tandis que le reste des habitants de la maison – son frère et ses sœurs – se levaient à leur tour. Le regard voyageant sur les divers vêtements qu’elle possédait – autant dire un bon paquet – elle arrêta son choix après plusieurs minutes sur un jean slim blanc, un tee-shirt gris et un pull maxi qu’elle noua à la taille à l’aide d’une ceinture en cuire marron.

Puis, une fois certaine d’avoir toutes les affaires nécessaires pour sa journée, elle rejoignit le hall d’entrée, enfila ses bottes en suédines noires et quitta une bonne fois pour toute la maison des Hastings-Belson pour rejoindre l’hôpital où elle faisait son internat. Concentrée sur les tâches qu’on lui avait donné à faire, Sage ne vit pas la journée passer si bien qu’elle dû se changer avec précipitation et courir dans les rues de Westerly pour rejoindre le restaurant où elle travaillait depuis sept ans afin de prendre son service. Ce fut uniquement après une heure de service et aux alentours de treize heures que sa pause lui fut accordée et la jeune femme en profita pour balayer l’endroit du regard à la recherche d’une tête familière et aussitôt ses yeux s’arrêtèrent dans le fond de la salle, sur une tête blonde qu’elle connaissait bien. Un large sourire aux lèvres, Sage fit disparaître la distance qui les séparait en quelques pas et se laissa tomber sur la chaise face à la jeune femme. « Bouh ! » Bon d’accord, elle ne faisait absolument pas peur et surtout Anastasia avait largement eu le temps de la voir arriver, d’autant plus que le claquement des talons de ses bottes était loin d’être discret, mais peu importait. « Je te dérange pas ? » Sage regarda brièvement autour d’elle pour s’assurer que personne n’allait arriver pour rejoindre la jeune femme à sa table, puis son regard se posa à nouveau sur elle sans que son sourire ne disparaisse.